« Je veux me sentir comme dans un cocon et pouvoir créer depuis cet espace. Rependre le contrôle du temps et ne pas me sentir contrainte de tout voir et tout faire. Trouver le bonheur dans tout ce qu'une journée peut réserver. »

⁠-⁠ Maira Kalman
L'artiste Maira Kalman travaille sur une peinture dans un espace studio lumineux depuis son Aeron Herman Miller Onyx.
À partir de 2.103,00 €

En quête de connections

Dans son studio de New York, Maira est également très attentive aux objets dont elle s'entoure : elle ne veut rien avoir qu'elle n'aime pas. Parmi ses objets préférés, on trouve un fer à repasser, un torchon confectionné par une amie et des sièges. « J'aime vraiment les sièges », confesse-t-elle. « Mais d'où vient ce sentiment de merveilleux que dégagent les choses que vous regardez autour de vous ?»

La réponse est peut-être dans l'utilité, suggère-t-elle. « Un siège n'est pas là uniquement pour l'apparence. Il sert à s'asseoir, à s'installer. Dans mon studio, tout a un sens, une finalité, une raison d'être là. Un « bon design » peut se définir par son caractère inévitable. Original au premier abord, mais la finalité réelle semble inévitable. » 


Cette approche utilitaire sous-tend également le travail de Maira. « Cela peut paraître superficiel comme propos, mais il s'agit de savoir faire le tri du non-indispensable. » Elle laisse la musique, les films et les livres « s'écouler dans sa vie », elle aime marcher et se retrouver seule dans son studio. Elle n'est pas sur Facebook, elle ne suit personne sur Instagram et elle ne lit pas le journal. « Je vis dans un cocon, mais c'est un cocon extrêmement actif et vivant. Travailler, écrire et peindre... c'est un chemin méditatif tout au long de la journée. J'ai une abondance de choses qui me tiennent à la fois à l'écart et connectée. »
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Le pouvoir de Proust

Plutôt que de lire le journal chaque jour, Maira lit Proust, une habitude qu'elle a adoptée il y a plus de dix ans. « J'avais envie de le lire, mais j'avais besoin d'une sorte de guide », explique-t-elle. Ses échanges avec toutes les femmes qu'elle connaissait autour d'elle - « quel que soit ton besoin, parles-en à autant de femmes que possible et tu trouveras ce que tu recherches » - ont débouché sur une introduction et la création d'un groupe de lecture consacré à Proust. « Il a fallu sept années pour lire les sept volumes, mais le constat est là : Proust répond à toutes les questions de la vie. Cette lecture préserve votre santé mentale. Vous avez besoin d'un psy ? Essayez de lire Proust d'abord, cela vous coûtera moins cher. »

Maira lit néanmoins une rubrique du journal quotidien. « Je lis les avis de décès », reconnaît-elle. « Ce sont des petites biographies magnifiquement rédigées. De l'invention du moule Bundt à la prise de risques pour sauver des gens des camps de concentration en passant par l'écriture de sublimes musiques, toutes ces histoires de vie sont extrêmement stimulantes pour la journée. Je les lis et me dis : Bien, et moi, que vais-je faire ? »

Le vertige de la création

Malgré une carrière bien remplie - elle a écrit et illustré plus de 30 livres, créé 15 couvertures de The New Yorker et exposé son travail dans des musées du monde entier - Maira admet être terrifiée à l'idée de s'attaquer à quelque chose de nouveau. « Je me délecte à l'idée de commencer et en même temps j'appréhende de m'y mettre », raconte-t-elle. Je m'interroge : Est-ce intéressant ? Est-ce ennuyeux ? Est-ce bon ? Est-ce mauvais ? Ce questionnement ne s'arrête jamais. Et, à vrai dire, il ne doit pas disparaître, car sinon on ne pose pas vraiment de questions. »


Maira accepte ces sentiments d'excitation et d'angoisse mêlés, parce qu'elle sait qu'elle a en besoin pour décrypter ce qu'elle essaie d'exprimer avec chaque nouveau projet. Comme tout dans la vie, ils sont imbriqués. « Il ne peut y avoir de beauté sans chagrin, il ne peut y avoir de joie sans tragédie », précise-t-elle.

Créer quelque chose de nouveau implique aussi une audace qui séduit Maira, que ce soit un film, un morceau de musique, une peinture ou même un siège. Mais elle met en garde : « Si vous essayez d'anticiper un marché ou de vous inscrire dans une tendance, vous êtes perdu. Si vous racontez votre propre histoire, il y aura toujours de nouvelles choses à raconter. Il vaut mieux, sinon nous sommes finis. »